Vendredi 3 août
Par 35° à l’ombre et le corps gorgé de soleil il n’est pas facile d’avoir les idées claires.
Dur, dans ces conditions, d‘assurer avec ponctualité la rédaction d’un blog.
Il est dix sept heures trente et le bateau est ancré sous l’ombre salvatrice de grands arbres.
Cette descente a pris une coloration particulière car depuis que départ je dois faire face à un vent contraire persistant. Depuis Nevers la Loire coule plein nord or s’est justement un vent du nord qui souffle gênant ma progression.
Cette grosse bulle posée sur l’eau offre une prise au vent considérable et quand il souffle, même faiblement, dix-douze kilomètre heures par exemple, malgré d’énergiques coups de rame, je fais du surplace … Dans ces conditions, la dépense d’énergie est sans commune mesure avec la distance parcourue.
La solution, partir le plus tôt possible pour bénéficier d’un calme qui prendra fin vers dix heures.
C’est ainsi que ce matin, après avoir contemplé l’aube puis l’aurore depuis mon duvet, j’ai levé l’ancre dès que les premiers rayons du soleil frappèrent la cime des arbres.
La veille je m’étais installé à la tombée du jour face au petit village de Germigny et comme tous les jours depuis le départ, n’ayant pas complétement déployé la toile au dessus de moi, je dors quasiment à la belle étoile.
Bien entendu ce départ, sans petit déjeuner, implique que le bateau ait été rangé la veille. Il me suffit alors de plier mon duvet et de lever l’ancre …
Petit déjeuner vers dix heures trente quand le vent d stoppe ma progression. En m’approchant d’une rive je trouve toujours une endroit où de grands arbres donnent de l’ombre.
Et là commence une partie d’équilibriste qui doit s’exécuter sans accrocs …
La « cambuse » est à l’avant, deux containers renfermant les ustensiles de cuisine, le réchaud à gaz, l’épicerie, quelques vivres frais et beaucoup de fruits secs.
Le problème est que cet espace, moins de trois mètres carrés, est très instable. Quand je me déplace, de loin on doit penser à un Culbuto tant les points d’appuis sont rares !
Ce désagrément est accentué par le fait que le plancher gonflable qui assure une certaine rigidité s’est rapidement dégonflé pour une raison non identifiée.
Pour déjeuner je m’installe devant les containers sur les deux valises étanches, la rouge et la jaune contenant des équipement fragiles, ordinateur, tablette, jumelles, chargeurs, panneaux solaires …
Une fois en place, plus question de bouger car le moindre geste incontrôlé peut avoir de funestes conséquences surtout si la poêle est en train de chauffer avec un fond d’huile…
Tous les ingrédients du petit dej’ sont regroupés dans des boites qu’il me suffit de disposer autour de moi avant de sortir le réchaud et mettre de l’eau à chauffer pour préparer un grand bol d’Ovomaltine.
J’assujettis une large planche au dessus de containers pour poser le réchaud et la casserole d’eau à peu près à l’horizontale.
Cette fois-ci je n’ai pas emporté de Jerrican d’eau. Les dix litres avec lesquels je suis parti les fois précédentes, alourdissait le bateau qui était déjà trop chargé.
J’ai adopté la solution suggérée par un kayakistes rencontré au cours de la descente écourtée du mois de juin : utiliser un purificateur d’eau. C’est une invention géniale qui permet d’avoir autant d’eau pure que nécessaire soit environ deux litres et demi par jour (oui, pas de douche, un bain dans le fleuve, idem pour la vaisselle).
Ensuite deux heures de navigation sur une Loire parsemée d’arbres déracinés par les précédentes crues, souvent immergés, et qui sont autant d’obstacles à éviter pour ne pas percer la peau du bateau.
Le vent contrariant la progression je dus de nouveau m’arrêter vers 14 heures, sous un ombre parcimonieuse mais qui me permit quand même de déjeuner. Même rituel, même exercice d’équilibriste mais cette fois, accompagné de bonne gorgées d’Entre-dux-Mers, conservé dans un cubitainer de trois litres.
Repartis deux heures après mais progression de nouveau difficile. Depuis le matin, je restais rive droite mais c’était un mauvais choix puisque la Loire coulant plein Nord, cette rive, après quatorze heures ne pouvait plus fournir d’ombre.
Je retraversais donc la fleuve, très large à cet endroit ( au moins six cents mètres) et trouvais enfin un endroit parfaitement abrité d’ù j’écris en ce moment.
Il est dix neuf heures et la chaleur est toujours intense, 36°C. Ça ramolli les neurones !
En fait, de rester quasi immobile dans le bateau à regarder l’eau couler autour, on perd la notion du temps. Aller plus loin, pour quoi faire ? Je suis sur une île déserte de trois mètres carrés et tout bouge autour de moi …
Je ne sais pas encore si je vais passer la nuit ici ou poursuivre ma route quelque temps encore avant le coucher du soleil.
*
Si, finalement, je suis reparti !
Au bout d’une heure, j’ai péniblement parcouru moins de deux kilomètres.
Peu à peu le soleil a disparu et c’est le moment magique ou tout semble en suspend …
J’ai trouvé un lieu qui me convenait, une longue bande de sable au milieu du fleuve. Un horizon à 360° que je ne partage qu’avec une bande de cormorans …
La nuit sera limpide et chaude.