Premier séjour au Japon

 

Avril 2015.

Bref récit d’un court séjour au Japon.

 

Nota

Il s’agit du séjour effectué au printemps 2015, du 16 au 26 avril.
Ce récit est donc antérieur à celui plus récent, accompli en août 2015.

*

Le dimanche à Tokyo les corbeaux sont rois. Non pas nos corneilles au noir plumage mais leur grand frère, le grand corbeau, celui que les naturalistes nomment  » Corvus Corax ».

Ils croassent en bandes compactes au dessus des parcs (nombreux et verdoyants), autour de la gare centrale, au dessus des grands buildings, bref, ils ont colonisé la ville.

Britt's friend Tokyo 2015

Le « Jour de la terre » est gaiement fêté dans la capitale. Pique-niques familiaux, mouvements alternatifs de écologistes, démonstrations de la cérémonie du thé …

Une ambiance bon enfant, insouciante, à mille lieues de la Tokyo affairée des jours de semaine.

*

Le lundi matin à Tokyo, vers huit heures, une multitude d’autres corbeaux prennent possession des escaliers de métro, des avenues et des entrées des buildings d’affaires.

Ils marchent sur deux pattes, l’air sérieux, pressés et préoccupés mais toujours dans une impressionnant discipline

Les escaliers du métro sont étroits et peu adaptés à écouler ces marées humaines.

Aussi fallait-il trouver une solution à la japonaise.

Elle est très simple et très déroutante pour nous, indociles gaulois. Les escaliers sont à double sens : un pour la descente, à gauche, un pour la montée, à droite. Et pas question de les prendre à contresens.

Ce qui donne ce spectacle surréaliste aux heures de grande affluence : la formation d’immenses files indiennes où ces corbeaux en costumes trois pièces gris anthracite et tailleurs stricts, gravissent l’un derrière l’autre les immenses escaliers des métros tokoyïtes.

C’est ça le Japon … Ordre, discipline, propreté …..

*

Le mardi a Takayama, village de montagne au nord-est de Tokyo, c’est un petit air de Suisse, bien proprette avec ses cerisiers en fleurs, ses torrents d’eau claire descendant de la montagne, ses mélèzes multi centenaires.

L’occasion pour le voyageur occidental, en logeant dans un ryokan (auberge traditionnelle), d’une brève immersion dans la vie traditionnelle japonaise.

Rituel strict des déchaussages, couchage sur futons, bains collectifs plus ou moins mixtes, kimonos de rigueur, bref, une autre façon d’entrevoir une culture de la parcimonie, de l’économie du geste mais aussi d’un esthétisme inscrit au plus profond des gènes de ce peuple singulier.

Dans le Japon, hors des grands centres urbains, tout est petit, bien à la mesure d’un territoire limité pour une population de 126 millions d’habitants. Les jardins, les maisons, même les voitures … A Takayama on voit circuler des modèles inconnus en Europe. Des Toyota invraisemblablement étroites qui semblent faites pour être parquées dans des maisons de poupées.

Les boutiques elles-mêmes n’hésitent pas à se déclarer « petite boutique de fleurs » ….

Oui, en avril et en altitude (environ 600 m), les cerisiers et les pêchers ont encore en fleur. Le rose et le blanc forment d’admirables décors de cartes postales.

Le pont rouge IPad

Je repense à la scène fameuse des Onze Mille Verges d’Apollinaire où la jeune japonaise Kilyému

se fait déflorer sous les cerisiers en fleurs …

Japon et érotisme ont toujours fait bon ménage !

Ah ! Les petites collégiennes avec leurs jupettes d’uniforme et leurs socquettes blanches ! Nettement plus aguichantes que les collégiens du même âge dans leurs uniformes noirs qui ressemblent à ceux de nos Polytechniciens !

Schoolgirls in transit Ipad

Temples bouddhistes et shintoïstes as usual … Les bouddhistes sont faciles à distinguer sur un plan : ils sont repérés par des Svastikas.

Musée d’art populaire (petit, comme de juste). Objet de l’ère Edo, celle qui a précédé la Meiji, commencée en 1865 et qui poussa le Japon dans une frénésie d’occidentalisation ….

Trois étages d’objets de la vie quotidienne, toujours très beaux et très adaptés à leur usage.

Au dernier étage, d’incongrues pendules à balancier apparaissent. On a changé d’ère, c’est la signature de l’ère Meiji.

Un mot sur la loge de la billetterie. C’est un cagibi plus qu’une loge. Une dame japonaise d’un âge avancé se penche sous un étroit guichet pour prendre la monnaie et nous tendre les tickets. Elle mange un plat tout préparé dans une barquette en aluminium.

Difficile de comprendre par où elle est entrée dans son antre….

Après la visite, je repassais devant sa guérite et lui demandais les toilettes.

Qu’elle ne fut pas ma surprise de la voir se mettre à quatre pattes et de sortir par une trappe comme un lapin de sa cage !

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Le mercredi à Hiroshima, c’est le point bascule du voyage.

C’était aussi le but du voyage.

Même si le Tao dit avec justesse :  » le but du voyage n’est pas le but mais le voyage », Hiroshima était bien le but avéré de ce voyage au Japon.

Il y a trois ans, à Nankin en Chine, j’avais visité le mémorial dédié aux victimes du sac de la ville en décembre 1937 par l’armée impériale japonaise. Trois cents milles civils désarmés, massacrés avec une inimaginable cruauté.

Une barbarie telle que le consul de l’Allemagne nazie s’en était ému et avait demandé aux autorités militaires de mieux tenir leurs troupes ….

Cette tuerie inaugurale n’était que les prémices d’une multitude d’autres.

Il fallut une barbarie plus grande encore pour en venir à bout.

Elle se produisit là, à Hiroshima, le 8 août 1945, à 8h15 du matin, par une claire journée.

L’incroyable éclair qui volatilisa des milliers d’êtres humains à l’aplomb de son impact signa le dernier acte de cette période tragique qui, de 1937 à 1945, fit plus de cinquante millions de morts.

Le lendemain du largage de la bombe, Albert Camus titrait l’éditorial de Combat :  » le monde a atteint là le dernier degré de la barbarie ».

Le Dôme sous la lune IPad

Arrivé par le train en fin d’après-midi. La fenêtre de l’hôtel donnait directement sur le dôme, emblématique, le seul bâtiment qui résista au souffle de l’explosion.

Le crépuscule s’installait et un fin croissant de lune émaillait le fond du ciel.

Dans ce moment de calme, de beauté et de sérénité, je ne pus m’empêcher de penser à l’éblouissant éclair qui changea la face du monde. Les Japonais l’on appelé « Pikadon ».

Hiroshima se prépare à commémorer le soixante-dixième anniversaire de la « bombe ».

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Le jeudi, dans l’île de Miyajima, à une heure d’Hiroshima, les touristes, toutes nationalités confondues, se pressent pour photographier le plus célèbre portique shintoïste du Japon.

Le Tori vu du large IPad

Seize mètres de haut, vingt quatre mètres d’envergure, soixante tonnes de cyprès, peint en rouge vermillon, placé en pleine eau, à quelques encablures du rivage. Il est l’icône de l’archipel nippon comme le Cervin est celle de la Suisse.

Des daims courent en liberté dans l’île et ils sont même si familiers qu’il est recommandé aux touristes de faire attention à leurs poches que les museaux de ces gentils cervidés ont tôt fait d’explorer pour mâcher tout ce qui s’y trouve ….

Magnifiques temples bouddhistes et shintoïstes, co-existants côte à côte dans une tranquille harmonie.

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Le vendredi, à Kyoto, mes fraîches certitudes sur la discipline des piétons japonais flanchent un peu. Dans cette ancienne capitale de l’empire du Soleil Levant, une petite dose d’anarchie s’immisce dans les comportements par rapport à la rigoureuse discipline tokyoïte.

Enfin, nul n’est parfait !

La gare est impressionnante, grande comme un aéroport. Gare et grands magasins intimement mêlés.

Kyōtō, la ville aux temples, est beaucoup plus étendue que sa réputation de ville-musée ne le laissait prévoir. Pas question d’aller visiter à pied le joli petit édifice que l’on a repéré sur le dépliant touristique. A  » one day bus pass  » est obligatoire.

Nara Bonzes en robes safran Ipad

Et pour les temples, s’il n’y en avait qu’un à visiter, c’est bien celui du fameux jardin Zen, celui du temple Ryoanji. Image emblématique du Japon, ce quadrilatère allongé, ceint de murs, est composé d’un tapis de petites pierres blanches, soigneusement ratissé par un râteau à larges dents, d’où émergent ça et là quelques rochers épars, censés représenter l’archipel nippon.

Ce fut sûrement durant des siècles un haut lieu de méditation mais, avec l’afflux des touristes, c’est un « spot » comme un autre où on se bouscule pour avoir le meilleur angle de vue pour la photo souvenir.

Faisons un pas de côté et d’autres merveilles plus discrètes se présentent.

Le Chemin des Philosophes, par exemple, qui court sur les hauteurs de Kyoto, en bordure de forêt et le long d’un torrent ombragé de cerisiers ….

Un petit temple, discrètement enfoui au milieu des magnifiques mélèzes dont la rectitude du tronc porte témoignage de la quiétude du lieu, incite le promeneur à une pause plus prolongée que l’intérêt « touristique » du lieu ne l’imposerait.

Toutes les entrées des établissements comme les restaurants ou les buvettes sont discrètes au Japon. Pas de larges banderoles, juste un discret panneau.

C’est ainsi que sur cette longue promenade du Chemin des Philosophes se dissimulait une petite construction en bois et bambou, typiquement japonaise comme aiment à le souligner les guides touristiques (mais il n’y figurait pas), où l’on servait du thé et d’étonnants desserts aux haricots rouges sucrés.

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Le samedi, c’est le jour du retour vers la France. Emplettes de rigueur !

Grands magasins exhibant de somptueux kimonos de soie, à plus de quatre cent milles Yens mais aussi d’affligeantes pacotilles pour touristes.

Plus courus bien sûr par les amateurs, les magasins de gadgets électroniques et de matériel photo!

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Quelle impression retenir de ce premier contact ?

Assurément les Japonais forment un peuple à part, même pour leurs voisins asiatiques pour lesquels ils restent une énigme. Il y a plus de dix ans j’avais retenu de la lecture du livre de Karel van Wolferen  » L’énigme de la puissance japonaise » (Seuil, 1991), qu’à leurs yeux, aucun peuple n’était supérieur au leur. Même si les mariages mixtes ne sont pas rares, on naît japonais, on ne le devient jamais.

Ce constat admis, force est de constater que le Japon, influencé par le bouddhisme, a développé un art de vivre tout à fait unique. Un art de vivre pour soi mais aussi avec les autres.

Cet art mêle intimement une quête permanente de l’esthétisme, de la méticulosité, de l’équilibre, de la beauté du geste et d’un souci constant du détail pratique.

Vivre au Japon au quotidien n’est certainement pas facile mais l’on ne peut s’empêcher de penser, nous occidentaux et surtout Français, que nous avons bien des leçons à en tirer.

Mais chaque expérience est unique. C’est la suprématie du voyage sur le récit.

Allez y ou retournez-y si ce n’est déjà fait. C’est un peu loin, fatigant, mais tout sauf banal.

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