En été, le fleuve serpente paresseusement entre ses berges, ses gravières et ses îles.
Le promeneur naïf peut s’étonner de le voir parfois encadré de hautes levées, des digues en terre et en pierres, construites de mains d’hommes depuis des siècles. Qu’il y retourne en période de crue et il comprendra. Il verra le spectacle d’un fleuve déchaîné, défonçant ses berges, charriant des arbres énormes comme des fétus de paille !
Formant la barrière météorologique bien connue entre le nord et le sud du pays, s’étendant sur un peu plus de mille kilomètres, la Loire n’est pas navigable, au moins jusqu’à Angers. Aucun dragage ni enlèvement des dangers de navigation n’y sont donc pratiqués. Ce laisser-faire lui donne son exceptionnel coté sauvage.
Arbre déraciné, déposé là au cours d’une précédente crue.
Selon les hydrographes, son débit à l’embouchure est de 835m3/s, la moitié de celui du Rhône (1.710 m3/s) mais nettement plus que celui de la Seine (550 m3/s). Ainsi, lorsque le vent contraire ne s’en mêle pas, son courant porte le bateau à environ 3k/h de moyenne, l’allure d’un attelage de bœufs !
Cependant …
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Cependant, à quelques occasions, on se rend vite compte que le fleuve, sous son apparente placidité, est puissant. Cela se produit chaque fois que son lit se resserre. Sous les ponts par exemple ou dans une courbe accentuée.
Alors là, en bateau pneumatique, il convient d’être vigilant et d’agir avec rapidité.
Au cours de ma première descente en juin 2010, parti en aval de Roanne, j’avais eu à passer sous un haut viaduc à proximité de Digoin (Saône et Loire). A ce moment, bien que l’on fût en été, la Loire était déclarée en crue.
Arrivé à une centaine de mètres avant l’obstacle, il devint visible que le resserrement des piles générait un puissant courant et de hautes vagues de rappel. Connaissant encore mal les réactions du bateau j’aurai souhaité m’arrêter pour évaluer le danger. Mais le courant m’entrainait de plus en plus vite et, dans l’impossibilité d’accoster, je dus franchir l’obstacle sans l’avoir reconnu au préalable.
Ce fut impressionnant ! Le bateau fut entrainé à une vitesse au moins trois fois supérieure au courant normal et les vagues, impressionnantes, se prolongeaient sur au moins quatre-vingt mètres, ce qui est rare en Loire.
Ayant pratiqué plus jeune le franchissement de rapides avec un kayak, je conservais suffisamment le sens de l’eau pour positionner le bateau sur la bonne trajectoire. Ce fut donc, calé sur mon siège et les rames fermes dans les mains, que j’abordais le rapide.
Au-delà d’un petit frisson, le bateau pneumatique, grâce à sa souplesse et à sa grande flottabilité, chevaucha sans problème la série de vagues tout en conservant une parfaite trajectoire.
Ce comportement me rassura pour la suite sur les capacités nautiques de l’embarcation.
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Après ce passage inaugural, j’en ai passé deux bonnes douzaines d’autre au cours des six dernières descentes.
Certain furent mémorables …
Le passage du pont de Beaugency vu par la GoPro.
Commele pont de Beaugency, le goulet du Pont de Nevers ou le barrage de la centrale nucléaire de Belleville,et bien d’autres dont ma mémoire n’a pas gardé trace.
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Le pont de Nevers, un imposant ouvrage en pierres de taille, est bâti sur un enrochement courant tout le long de l’ouvrage et interdisant tout franchissement en bateau. Un goulet a été aménagé au débouché de la pile la plus à droite pour les kayakistes et les canoéistes n’ayant pas peur d’affronter de gros bouillons.
Connaissant cet obstacle par avance j’avais débarqué en amont pour le regarder de plus près. Bien sûr, le goulet était étroit et le rapide qui s’y formait sur une centaine des mètres, très puissant.
Entre la perspective d’un portage long et difficile, je choisis d’emprunter le goulet …
Le franchissement mouvementé du goulet du pont de Nevers
Dans ces franchissements, le risque est que le bateau soit brutalement arrêté par un obstacle, un pieu ou quelques rochers en quinconce par exemple. Le courant est alors si violent qu’il submerge le bateau en quelques secondes, arrachant tout ce qui est à bord et, dans le meilleur des cas, obligeant son passager à se jeter dans le bouillon pour franchir cette funeste passe …