En vol au-dessus du Pacifique

Tpkyo. Autel aux cinq statuettes.

Lundi 17 août, 18 heures locales.

A bord du Boeing 777 de Delta Airlines.

Huit heures trente de vol pour traverser le pacifique et atterrir à Seattle.

Magellan, au cours de sa circumnavigation, avait trouvé cette mer très calme. D’où le nom de Pacifique. A onze mille mètres d’altitude, difficile de juger de l’état de la mer …

Ainsi, confortablement installé dans un fauteuil de salon pour lilliputien dont les jambes ne doivent pas mesurer plus de cinquante centimètres (LOL), je poursuis le récit de mon rendez-vous avec Eiko.

J’ai retrouvé son restaurant sans peine. Accueil un peu réservé, à la japonaise. Pas d’effusions. On bavarde dans un anglais laborieux autour d’une tasse de café. Elle est surprise de mon âge. Elle me donnait la cinquantaine. Si j’étais une femme, je serais aux anges !

Nous avions préalablement échangé quelques partitions par Internet pour chanter en duo, dont Les Berceaux de Fauré (elle possédait le cahier original du recueil). Elle se met au piano et nous tentons de nous accorder. Ce n’est pas fameux. Ensuite, on passe au Plaisir d’Amour, c’est un peu mieux. Je lui présente la partition de la Sarabande d’Haendel qu’elle déchiffre et joue facilement. En revanche, elle ne connaît pas le Barry Lyndon de Kubrick dont c’est l’un des thèmes récurrent. Un timide essai pour chanter le Lascia chio pianga et déjà les premiers clients arrivent.

Je me sens de trop. C’est une clientèle d’habitués et ma présence dérange. Je prends congé. Elle me passera un mail pour un prochain rendez-vous.

Jeudi 13 Août

Je ne me bouscule pas pour sortir de ma chambre d’hôtel. Il fait très chaud et je sens la fatigue accumulée peser lourdement sur mon corps.

Enfin, en début d’après-midi, je me fais violence pour aller visiter les jardins du Palais Impérial, en plein Tokyo.

Ils sont admirablement entretenus par des jardiniers artistes qui doivent se succéder de génération en génération pour obtenir ces gazons si uniformes que l’on a l’impression qu’ils sont taillés avec des ciseaux à broder. Admiré aussi  des topiaires aux formes savantes. Que de soins attentifs ils ont du être l’objet …

Les jardins sont ceints de remparts qui, à eux seuls, valent le voyage. Je ne connais pas les remparts de Mycènes, en Crête, mais d’après les photos que j’ai pu voir, ça y ressemble beaucoup. Des pierres énormes, assemblées sans mortier, qui forment des murs d’une vingtaine de mètres de hauteur. Très impressionnant !

Petite sieste sur le fameux gazon, ouvert au public, à l’ombre d’un érable. Mon sac à dos me sert d’oreiller.

J’étais venu à pied depuis l’hôtel, environ trois kilomètres (moyenne journalière depuis le début du voyage : un peu plus de 11.000 pas), je rejoins la première station de métro pour retourner dans le quartier de l’hôtel.

Pas difficile de trouver un restaurant, il y en a partout, bons et pas chers !

En voici justement un. Toujours dans la discrétion. Quelques affichettes indiquant les plats (en japonais, bien sûr), une petite porte un peu basse, quelques marches en contre-bas et l’accueil bruyant et chaleureux des serveurs.

C’était la première fois que je remarque cette technique d’accueil, très au point et très efficace. Dès qu’un client se présente, tous les serveurs se mettent à crier ensemble, probablement des mots de bienvenu. Même si il n’y a que peu de monde, le nouvel arrivant à l’impression d’entrer dans un établissement bondé. Astucieux, non ?

Brochettes de moutons et de foies de volaille, soupe, pommes de terres sautées, demi de bière, que demander de plus …

21 heures à ma montre …

Déjà quatre heures de passées. Nous avons du franchir la ligne de changement de date. Je ne m’en suis pas aperçu, personne ne m’a prévenu …

Dieu que c’est inconfortable, surtout cette fichue place du milieu qui oblige à demander le passage à son voisin de droite ou de gauche pour aller aux toilettes !

Le plateau dîner se réduit au fil des années … Il se rapproche de la taille confetti !

Bu de l’eau et du jus d’orange. Depuis la mauvaise expérience d’un malaise vagal en plein vol, je ne prends plus de vin.

Beaucoup boire. D’ailleurs les hôtesses passent régulièrement pour nous approvisionner en eau.

Autour de moi, tous les écrans installés au dos des sièges sont allumés. Le mien est éteint, sauf, de temps en temps pour surveiller l’avancement de la route.

Affligeants les films visionnés. Toujours les mêmes scénarios débiles dont le seul ingrédient est la violence. Ça défouraille sans arrêt avec des armes de tous calibres. A travers de type d production, Hollywood exerce un contrôle social pervers en banalisant la violence et en en faisant un objet de divertissement.

Depuis de départ, sur un siège devant moi, un passager regarde en boucle le même film.

Impossible d’écouter de la musique sur mon IPhone. Je me suis branché sur le service du bord qui offre un programme de musique classique. En ce moment, j’écoute un concerto pour violon de Bach, le BWV 1042.

Un petit coup d’œil sur les « données de vol » :

  • Vitesse : 1.031 Km/h
  • Altitude :  37.000 pieds, soit 11.277 mètres
  • Distance jusqu’au point de destination : 3.784 km
  • Distance depuis le point de départ : 2.930 …

Hourrah ! Plus de la moitié du chemin est déjà faite !

Dix heures trente.

Il reste moins de trois heures de vol. Le petit déjeuner sera servi dans une heure. Je me suis déjà levé plusieurs fois pour aller au toilettes et surtout me dégourdir les jambes !

Mon coin favori est l’office situé à la queue de l’appareil.
Parfois on a l’occasion de tailler une petite bavette avec un steward ou une hôtesse. Parfois aussi on trouve des petits gâteaux, gentiment laissé à notre disposition.

C’est aussi le lieu où l’on peut faire quelques mouvements de gymnastique. Le personnel de bord ne vous fera aucune remarque, bien au contraire.

Maintenant j’écoute Horowitz dans des sonates de Scarlatti.

Ai-je le temps de reprendre le récit où je l’avais laissé ? Oui, il y a encore de la marge avant d’arriver …

Vendredi 14 août

Eiko m’a donné rendez-vous au restaurant à 16 heures. J’arrive un peu en retard car je me suis trompé de quai au cours d’une correspondance. C’est si facile de confondre les directions quand on ne déchiffre aucun des mots sur les panneaux.

Le restaurant est fermé. Nous ne serons donc pas interrompus par le s clients.

Nous nous efforçons de tenir une conversation mais ce n’est pas facile. Elle écrit assez bien l’anglais mais elle a du mal à le prononcer. Aussi nous échangeons à partir d’une feuille de papier. Elle me dit qu’elle souhaite acheter un « souvenir », probablement pour moi mais je n’en suis pas très sûr.

Avant de partir, elle me propose de chanter avec elle mais le duo tourne vite court : je ne fais pas le poids ! Difficile de marier une voix de professionnelle, puissante, bien timbrée et la voix d’un amateur …

Nous prenons donc un taxi pour Ginza, le quartier le plus chic de Tokyo. Le taxi nous laisse devant une petite boutique, un peu à l’écart du quartier des magasins de luxe.

La boutique est tenue par une délicieuse petite japonaise aux lunettes rondes. Tout à fait le physique de l’emploi pour une minuscule boutique qui vend de magnifiques papiers japonais et quelques autres articles d’artisanat dont des carrés d’étoffe.

Eiko me demande de choisir ce qui me plait. Je choisis quelques belles feuilles de papier. Elle remarque ensuite très belle estampe qu’elle demande à la vendeuse de mettre de côté. Je suis un peu gêné. Je lui ai bien offert en cadeau en arrivant (une boite des excellents savons parfumés de Roger & Gallet) mais je crains que le cadeau qu’elle est en train de me faire dépasse largement le mien, d’autant qu’elle me demande aussi de choisir un carré de coton dont on enveloppe traditionnellement les paquets au Japon …

Nous sortons. Elle garde le paquet à la main. Je ne comprends plus très bien. Etait-ce bien un cadeau ou des achats personnels ? En fait, elle me remettra le cadeau plus tard, quand nous nous séparerons.

Nous poursuivons la ballade à pied , en s’eloignant de Ginza. C’est une petite colline. La rue est en pente. Je souffre un peu avec mon sac à dos qui pèse une tonne (il est plus ou moins lourd selon le matériel que j’emporte. Là j’avais le jeu complet, près de dix kilos).

Nous pénétrons dans un temple bouddhiste. L’atmosphère est irréelle. C’est le crépuscule. Le ciel est bas et gris-bleu ; le temple désert. J’ai l’impression d’être dans un film.

Nous continuons à remonter la rue. Manifestement, Eiko a une idée en tête.

Nous pénétrons dans ce qui pourrait être une cour d’école. Elle échange quelques mots avec les gens du lieu. J’ai bien l’impression qu’elle fait un pèlerinage.

Oui, c’est bien ça. C’est là qu’habitait son vieux maître me dit-elle. De chant, de musique, elle ne précise pas. Elle est émue.

Nous reprenons un taxi pour retourner dans le centre de Ginza. Elle est beaucoup plus détendue. Nous nous arrêtons dans un café pour boire une verre. Elle s’éttonne que je sois venu la veille dans ce quartier et tout seul !

La pluie se met à tomber à verse… On attend un peu. Je lui raconte ma descente de la Loire, photos à l’appui (ah oui, je trimballe aussi mon Ipad). La glace est bien rompue et la conversation plus fluide.

Quand la pluie cesse, re-taxi pour aller dîner cette fois. Le plus fameux restaurant de shushis de tout Tokyo !

Il est plein a craquer et nous devons patienter avant d’avoir une table. En fait, on est assis au comptoir, juste à portée de mains des chefs qui officient devant les clients. Ça valait la peine, c’est délicieux. Eiko se régale et commande sans arrêt de nouveaux sushis. Au début, pour un Français, ça ressemble à des amuse-gueule, mais au quinzième, on finit par comprendre que l’on a fait un vrai repas.

Là encore, même technique des garçons et des chefs. Ils saluent les clients qui entrent et qui sortent en s’interpellant à haute voix.

Mais la soirée n’est pas encore finie. Je suis épuisé. Il fait chaud et mon sac à dos me scie le dos. Mais pas question de demander grâce !

Et là encore, ça valait la peine ! Nous entrons dans un immense hall qui s’avère être la parfaite reproduction d’une brasserie munichoise ! Etonnant, non ! Comme partout ailleurs à Tokyo, beaucoup d’étrangers. Comparativement, bien plus qu’à Shanghai.

Dernière bière (Eiko ne boit pas d’alcool), derniers selfies, et nous ressortons.

Encore un peu de patience avant de prendre mon métro. Eiko tient à visiter un lieu un peut étrange, l’Hôtel de Ville d’après ce que j’ai compris. On erre pendant dix minutes dans des couloirs déserts qui s’allument à notre passage. Encore une séquence de pure cinématographie.

Enfin nous arrivons devant la bouche de métro où nos routes ses séparent. Elle me tend le paquet avec mes cadeaux. Je la remercie. Nous nous disons au revoir sans marque particulière d’amitié. Elle disparaît, je prends mon ticket au distributeur. Trente minute de trajet.

Quelle chance d’avoir pu vivre ces moments privilégiés. Le lendemain, je recevrai un mail où elle me dira tout le plaisir qu’elle a pris à cette soirée.

Onze heures trente.

Ouf, plus qu’une heure trente avant d’arriver.

Rédiger ce journal en plein vol m’a permis de ne pas trouver le temps trop long.

Minuit trente

Plus que quarante cinq minutes de vol. Alors, il n’a pas été trop long ce survol du Pacifique ! Juste le temps d’écrire quelques lignes.

Le plus dur reste à faire, passer l’immigration et poireauter quatre heures dans l’aéroport de Seattle avant de prendre l’avion pour San Francisco.

* * *

Plus d’une heure pour passer l’immigration ! Re-contrôle des bagages à main au scanner et fouille sévère. Oter les chaussures … A  trois heures du mat’, abruti de sommeil,  c’est un peu dur …

Du fait de ces temps additionnés, l’attente pour l’avion de San Francisco sera plus courte …

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